DERNIÈRES ÉVOLUTIONS
DANS LA CLASS40
Petit rappel nécessaire, la longueur de la coque est limitée à 12,19 mètres, le bau à 4,50 mètres, le tirant d’eau à 3 mètres. Le bout-dehors démontable ne doit pas dépasser 2 mètres et le franc-bord moyen doit être au moins égal à 1,08 mètre. Le déplacement minimum est de 4,5 tonnes, plusieurs ballasts totalisant 1500 litres sont possibles, la quille est fixe, pas de dérive ou de foils, pas de gréement sophistiqué, et les matériaux exotiques, carbone, Kevlars ou autres sont interdits. Le tirant d’air de la grand-voile est au maximum à 19 mètres, et la surface des deux voiles, solent et grand voile, limitée à 115 mètres carrés. Enfin, deux mesures, qui devaient empêcher de concevoir un scow, prise à 20 centimètres et deux mètres de l’étrave, limitent la largeur de la coque à 45 centimètres et 3,15 mètres.
Le premier à tenter une solution adaptée à la jauge pour créer une carène proche des scows est celle d’Eric Levet pour le cabinet Marc Lombard, qui, dès 2016, travaille dans cette direction. Carac, n° 150, un Lift 40, mis à l’eau en 2017, possède une coque pleine sur l’avant, avec un flanc vertical qui contourne le voilier. La carène est résolument à fond très plate, avec des sections eu U très ouvertes et un bouchain résolument vif. Il n’y a plus de transition entre le bordé et la carène, le bouchain crée une cassure franche. L’étrave est relevée, ce n’est déjà plus la longueur de la flottaison à l’arrêt qui compte, mais la capacité de la carène à planer, et à escalader les vagues au lieu de s’y planter.
1 – CARAC
Carac est le premier de la série des Lift 40 du cabinet Marc Lombard. Le dessin du bouchain sur la moitié arrière est plus haut en réalité. L’angle d’attaque de l’étrave est un début de révolution dans le dessin des carènes des Class40.
2 – Carac, lines
Le plan général montre une nette évolution vers une version scow. D’ailleurs, certains scows américains présentent ce genre d’étrave pincée. Les lignes d’eau sur l’avant sont proches du bouchain et très courbes. À la gîte, le voilier prend appui sur un plan pratiquement plat, de l’avant à l’arrière, favorisant le planning.
L’arrivée dans le circuit des Class40 de David Raison, par Ian Lipinski (14 victoires sur son Mini entre 2016 et 2017), et le Crédit Mutuel, n° 158, bouleverse toutes les solutions précédentes, et va au-delà des idées préconçues.
3 – CREDIT MUTUEL
La révolution David Raison, qui nous avait pourtant habitués à ses nez ronds depuis dix ans, s’est imposé dans la Transat Jacques Vabre 2019 avec son premier Class40, en écrasant la concurrence, pourtant réputée de haute volée. Le nez rond, rendu pointu par obligation de jauge, fait un pied de nez à toutes les traditions.
La moitié arrière du voilier est au maximum du bau autorisé, et l’avant est le plus large possible, dans la limite de la fameuse mesure à 20 centimètres de l’étrave. Comme sur le Lift 40, la coque est entourée d’un ruban vertical ; la carène, aux formes douces, vient se rapporter sous le bouchain. L’étrave est très fuyante, et la flottaison commence bien au-delà du couple un. Le but est clair, le voilier doit planer en permanence, et lever le nez ! Afin d’améliorer les performances au près, le voile de quille est en avant par rapport au bulbe du lest, et pour assurer une plus grande raideur de la coque, et assurer un volume en cas de retournement, le roof est prolongé jusqu’au premier couple.
4 – Crédit Mutuel, lines
Sur les derniers Class America, on parlait de boîte à chaussure, on est de nouveau en plein dedans. Il y a une certaine symétrie dans les lignes d’eau sous la flottaison, qui correspondent à la carène immergée. Dès que le voilier gîte, la surface de flottaison diminue drastiquement.
La mise à l’eau tardive de la dernière version des Mach 40 de Sam Manuard, le Mach 40.4 n°159, Banque du Léman, pour la Transat Jacques Vavre 2019 n’a pas permis à Simon Koster et Valentin Gautier de monter sur le podium.
5 – BANQUE DU LEMAN
Sam Manuard n’a pas hésité à reculer le pied de mât, le centre de flottaison et le voile de quille. La silhouette est hyper puissante. En réalité, avec de la brise, la tête de mât se courbe et la sustentation opère, soulevant l’étrave pour mieux surfer sur les vagues.
Manuard reprend les idées de David Raison, mais en arrondissant le bouchain, avec une carène plus ronde et des lignes plus tendues en générale. Le bouchain, assez haut, est conservé sur le tiers arrière. La flottaison est un peu plus longue que sur Crédit Mutuel, mais la volonté de se hisser sur les vagues est la même, même si le voilier pousse un peu plus d’eau que son concurrent.
6 – Banque du Léman, lines
Une coque tout en rondeur, creuse et tendue, avec un avant bien plein, des sections très en rondeur. Les sections longitudinales, en rouge sur la vue de profil, montrent une différence importante avec le plan David Raison, alors que les deux plans de coque sont très proches, étant obligés de rentrer dans la mesure de jauge proche de l’étrave.
Les deux Mach 40.3, qui accompagnent Crédit Mutuel sur le podium en 2019, montrent que la solution scow n’est pas un gage de victoire, mais un vent nouveau flottait déjà sur la Class.
7 – CROSSCALL
Précurseur de cette nouveauté dans la Class avec son Lift 40 en 2016, le cabinet de Marc Lombard, avec Eric Levet aux premières loges, n’a pas hésité à chercher comment exploiter l’espace qui existe entre les deux mesures de jauge.
8 – Crosscall, lines
Le raisonnement normal du designer, sur son écran, consistait à tirer une ligne droite de l’étrave à la première mesure, soit un angle de 96 degrés, puis d’arrondir en passant par la seconde mesure pour terminer tangentiellement (c’est-à-dire doucement) au bau maximum de 4,50 mètres. Dans la première génération, les architectes ont hésité à créer une ligne droite sur la moitié de la longueur, et préféré arrondir légèrement cette ligne en favorisant un bau maximum en arrière du pied de mât de la descente.
Or, dans cet espace, entre la ligne d’étrave et la tangente au point de mesure des deux mètres, le cabinet a formé une bosse de 35 centimètres d’épaisseur, qui écarte la carène à un endroit crucial, et prolonge la flottaison à la gîte de près de 90 centimètres. En effet, l’inconvénient de l’étrave-scow pointue est de diminuer drastiquement la longueur de flottaison à partir de 10 degrés de gîte. Tant que la brise souffle, les formes sont suffisamment tendues pour que la longueur de flottaison ne soit pas un souci, mais dans le petit temps, la longueur est primordiale, autant que la réduction de la surface mouillée. Cette protubérance aurait pu être un handicap sur le plan de l’augmentation de la surface développée de coque, mais la bosse a pu être circonscrite en incurvant le flan à cet endroit et en augmentant le plan incliné du livet qui plonge vers l’étrave.
Les formes des sections de la carène sont fidèles aux idées du cabinet qui favorise un fond plat, avec un arrière légèrement incurvé, pour un meilleur planning, et des côtés en V pour réduire la surface mouillée à la gîte, en s’appuyant sur le bouchain. Des sections moins caricaturales que sur leur premier Lift 40, une étrave qui rebique un peu plus, mais des lignes plus tendues sur l’avant, le Lift 40 V2 d’Aurélien Ducroz et David Sineau, Crosscall (N° 166), a tout pour décoller. Le voile de quille a été avancé pour le près, alors que le mât est en arrière du milieu du voilier, le safran, lui est maintenant en arrière de la jupe, gage d’équilibre aux grandes allures.
9 – EMILE HENRY - HAPPY VORE
Si les architectes de l‘agence VPLP sont connus pour avoir fait avancer les choses en Imoca, ils sont tous nouveaux venus dans la Class40 avec leur Clak 40. Deux voiliers ont été mis en chantier, et malheureusement, seul le bateau de Nicolas d’Estais et Erwan Le Draoulec, Emile Henry - HappyVore (N° 167), partira dans cette Transat. Comme sur le trimaran d’Ellen MacArthur B&Q – Castorama, avec lequel elle a détenu le record du monde en solitaire en 2005, chaque côté du voilier reçoit un décor totalement différent. Le côté tribord est noir, aux couleurs d’Emile Henry, et l’autre est blanc et vert pâle. J’ai eu toutes les peines du monde à reconstituer ces plans, le voilier étant encore en chantier au moment du bouclage.
10 – Emile Henry – HappyVore, lines
Le parti pris architectural est relativement sage, avec un centre de carène assez reculé et un livet qui reprend la forme de leurs 60’, ce qui réduit la surface développée du pont. L’étrave est suffisamment haute pour pouvoir descendre l’arrière du pont au maximum, affinant la silhouette du voilier et diminuant l’effet boîte à chaussure. Le bouchain inférieur est un peu plus haut que sur les Max 40 de David Raison et la forme générale de la carène est assez proche, avec un tableau arrière un peu moins large. Le gréement est le plus reculé de tous les Class40 pour favoriser le planning.
11 – SERENIS CONSULTING
Pour le dernier Pogo, le Pogo 40 S4, le chantier Structures dirigé par Erwan Tymen a choisi Guillaume Verdier pour renouveler sa gamme. Sur les trois voiliers commandés, deux participent à la Transat Jacques Vabre. Serenis Consulting(N°163) de Jean Galfione et Eric Péron, et Seafrigo-Sogestran (N° 172) de Cédric Château et Jérémie Mion. Ce qui frappe sur ce plan, c’est l’assiette du voilier, résolument enfoncé sur l’arrière, avec un voile de quille en avant du lest, qui lui est très reculé, et avec un centre de gravité du lest très en arrière. Le profil de carène rebique au niveau de l’étrave, s’enfonce en ligne droite jusqu’au-delà du voile de quille, remonte avec un point d’inflexion pour terminer à l’horizontale quinze centimètres sous l’eau. Le voilier semble cambré, et près à décoller.
12 – Serenis Consulting, lines
Les sections de la carène sont douces, sans cassure, avec un bouchain bas assez près de l’eau et plus étroit que le bouchain supérieur. Visiblement, la priorité n’a pas été donnée à la raideur. En effet, le bau maximum, vue en plan, est inférieur à celui de la jauge, de 8 centimètres, c’est-à-dire 4,42 au lieu de 4,50 mètres et il est rectiligne à partir du pied de mât, et le bouchain inférieur ne dépasse pas 4,15 mètres de large. Les formes rondes correspondent à une recherche de surface mouillée, même si l’arrière peut traîner un volume d’eau important. Compromis entre recherche de vitesse par petit temps, moyennes élevées au portant dans la brise et efficacité au près dans la mer formée, Guillaume Verdier nous a concocté un cocktail original qui ne manque pas d’atout.
Pour compenser le volume d’un roof assez court, le pont avant présente un bouge important. Tous les Class40 ont la particularité de ne pas rester à l’envers, grâce à un règlement qui impose beaucoup de volume au-dessus du livet de pont.
13 – Sections x6 Class40
Les sections des trois premiers Class40 mettent en évidence leurs différences. Un voilier taillé à la serpe pour Carac, une boîte à chaussure sur une carène tendue pour Crédit Mutuel et des courbes bien pleines pour Banque du Léman.
La première chose que l'on remarque en observant les six sections des Class40 en forme de scow, c'est que sur les trois derniers, les flancs ont été considérablement réduits en hauteur, afin de diminuer la résistance latérale au vent, particulièrement néfaste dans les petits airs. Cela permet également de réduire la surface développée de l'ensemble de la coque, et de transférer le poids gagné dans le lest.
Cette classe est décidément vouée à un bel avenir.
François Chevalier
Class40
Longueur hors tout : 14,19 m
Longueur de coque : 12,19 m
Bau : 4,50 m
Tirant d’eau : 3,00 m
Tirant d’air : 19 m
Solent et Grand-voile : 115 m²
Déplacement : 4,5 t
Ballast : 2 x 750 litres