IMOCA - Vendée Globe 2016-17
Banque Populaire VIII contre Hugo Boss
Celui qui gagne est le meilleur,
personne n’en doutera. Pourtant, dans un tour du monde en solitaire, il peut se
présenter tant de paramètres imprévus ou indépendants des qualités du voilier,
que l’on attribuera la victoire à celui qui a su tirer le meilleur parti de
toutes les circonstances, y compris celles totalement indépendantes de sa
volonté.
Donc, bravo à Armel Le Cléac’h sur Banque Populaire VIII !
Pourtant, le second, Alex Thomson sur Hugo Boss, n’a pas démérité, et sa performance reste remarquable.
Pendant le Vendée Globe, les
communications des architectes sur les foils des IMOCA laissaient supposer que
les solitaires ne les utilisaient que parcimonieusement, alors que les quatre
premiers en étaient équipés. Sachant que le voilier s’allège sur son foil, il
semble bien évident qu’il s’en sert dès qu’il le peut. Mais notre propos ne
concerne pas particulièrement les foils, qui n’ont pas du tout les mêmes formes
sur les deux premiers du podium, mais la différence frappante entre les deux
coques.
On aurait pu croire que les deux
voiliers, commandés aux architectes VPLP et Guillaume Verdier, seraient proches
au point de sortir du même moule. Or il n’en est rien. D’accord, Alex Thomson
désirait une carène extrême, mais Armel Le Cléac’h n’a certainement pas demandé
de concevoir autre chose qu’un coque pour gagner.
Banque
Populaire VIII
Une première observation des deux voiliers
au moment de leur test de retournement peut mettre en évidence un certain
nombre de remarques. Banque Populaire VIII
est plus large, de toute évidence, une vingtaine de centimètres. Cela peut
sembler léger comme différence, par rapport aux 5,60 mètres d’Hugo Boss, mais cela reste sensible, et l’on
atteint des sommets.
La vue de l’arrière de la coque du
voilier d’Armel posé dans le bassin sur la tranche montre un petit redan, qui
rappelle un certain Pen Duick V et
les bonnes trouvailles d’Éric Tabarly, suivi d’une courbe tendue pour finir en
douceur au centre du tableau arrière. Vu les vitesses atteintes, l’inspiration
des redans des vedettes rapides ne peut pas être une mauvaise idée. Si l’on se
tourne un peu dans l’axe du voilier, on constate que le fond de la coque est
pratiquement horizontal sur une première partie, formant une ligne incurvée
avant de descendre de façon pratiquement rectiligne jusqu’à la quille. On est
très loin des formes arrières généreuses de nos voiliers de croisière ! Mais cette caractéristique,
issue des carènes de catamaran de sport, n’est pas nouvelle, et depuis le Cheminée Poujoulat de Bernard Stamm,
conçu par Juan Kouyoumdjian, les 60 pieds IMOCA en bénéficient.
Pendant que nous sommes sur
l’arrière, en admirant la douceur de ces rondeurs, la coque au-dessus du
bouchain est légèrement inclinée vers le bas, offrant un plan porteur plus
efficace à la gîte. Cette partie, qui court tout le long de la coque, un peu
bombée, devient verticale dans sa partie centrale, et s’inverse jusqu’à l’avant
pour rejoindre la partie inversée de l’étrave. Sur la moitié avant, le livet
est largement arrondi sur vingt-cinq centimètres d’épaisseur. Tout participe à
diminuer les chocs des vagues malgré une énorme réserve de flottabilité au
niveau du bouchain. Cela réduit également le développé de la surface de la
coque et du pont, pour diminuer le poids de l’ensemble. La carène proprement
dite, sous le bouchain, est assez régulière sur toute sa longueur, avec une
flottaison large et des fonds en courbes tendues favorisant une diminution de
la surface mouillée à la gîte, et des formes planantes aux allures portantes.
Rien à dire sur l’étrave ronde, limitée et imposée par la nouvelle jauge des
IMOCA. Les lignes d’eau, vue au-dessus du plan de pont, convergent toutes à
partir des deux cinquièmes de la longueur de façon rectiligne sur l’étrave afin
de présenter le minimum de résistance à l’avancement. Une coque qui ressemble à
son skipper, rusée et agile.
Hugo
Boss
Le voilier d’Alex Thomson, Hugo Boss, est un peu à l’image que le
navigateur nous présente volontiers de lui-même, déterminé et fonceur. La
complexité des formes de sa monture prouve qu’il est également réfléchi ! Quelle coque ! Coupée au couteau, taillée dans
le vif ! Un plan vertical
qui court de l’avant à l’arrière, tronqué à l’avant par un livet en retrait qui
plonge vers l’étrave, un arrière carrément planant à la gîte, et des fonds
plats sur l’avant pour amorcer ce planning le plus rapidement possible, un
petit dévers sous le bouchain à l’avant pour repousser les embruns, et créer un
rail d’éjection.
La différence avec la coque de Banque Populaire VIII est frappante
lorsqu’on regarde les sections arrière, avant le bouchain, elles se confondent.
Il y a de la ligne droite dans cette carène que l’on ne trouve pas sur son
concurrent.
Une coque plus étroite que celle
d’Armel, mais où l’efficacité et la recherche de vitesse sont brutes de
fonderie. Alex en a témoigné dès ses premières sorties, il lui semblait que le
voilier lui glissait sous les pieds !
Dis-moi quelles formes ont ton bateau et je te dirais qui tu
es…
Banque Populaire VIII
Architecte : VPLP et Guillaume Verdier
Chantier : CDK Technologie
Lancement :
09-06-2015
Longueur : 18,28 m
Bau : 5,80 m
Tirant d’eau : 4,5 m
Dérive : 2 foils
Déplacement lège : 7600 kg
Quille basculante
Safrans relevables
Hauteur du mât : 29 m
Surface de voiles au près : 300 m²
Surface de voiles au portant : 600 m²
HUGO BOSS
Architecte : VPLP et Guillaume Verdier
Chantier : Green Marine
Lancement :
01-09-2015
Longueur : 18,28 m
Bau : 5,60 m
Tirant d’eau : 4,5 m
Dérive : 2 foils
Déplacement lège : 7500 kg
Quille basculante
Safrans relevables
Hauteur du mât : 29 m
Surface de voiles au près : 340 m²
Surface de voiles au portant : 570 m²