LES PLANS DES VOILIERS DE LA VOLVO OCEAN RACE DE 2001 A 2014
AVEC LE DERNIER NE : LE VO 65
Evolution des formes de carènes des voiliers de la Volvo
depuis 14 ans !
Les Volvo 65, analyse
Juillet 2014
Depuis 2001, je redessine les
carènes des voiliers de la Volvo, et constate que l’évolution des formes a toujours
évolué entre deux éditions. Avec l’imposition d’un monotype pour celle de cette
année, on pouvais espérer un véritable progrès, au vu de la diversité et de la
qualité des idées des trois architectes de la Volvo 2011-12. Le choix de
l’architecte du monotype Volvo 65 au lendemain de la victoire de Groupama n’a pas manqué de surprendre. En
effet, le cabinet Farr Design a conçu Abu
Dhabi, arrivé cinquième, derrière trois voiliers du cabinet Juan
Kumounjian, qui s’était déjà octroyé les premières places dans les deux
éditions précédentes.
Dès le mois de décembre dernier,
j’avais tracé les lignes de ce nouveau Volvo afin de comprendre ce que ce
bateau avait dans le ventre. La première chose qui m’a frappé, c’est la taille
de son bulbe, seulement 3,5 tonnes, proche du poids de ceux des IMOCA 60, alors
que les VO 70 tendaient vers le double. Les 20 centimètres de tirant d’eau
supérieurs ne sont pas négligeables, mais ne compensent pas, de loin, la
raideur que confère une quille de 7 tonnes. Les IMOCA sont des voiliers très
légés conçus pour les courses au large, ils ont 5000 litres de ballast pour la
brise et un petit bulbe pour le petit temps. La seconde surprise est venu
lorsque j’ai cherché ce que le cabinet avait retenu de leur précédante
création, Abu Dhabi. Le parti de ce
voilier était assez radical, avec une étrave très ronde, une flottaison large
et un bouchain assez bas. Le 65 conserve des flancs verticaux et un bau maximum
avancé, mais présente des formes en V très ouvertes à partir du milieu de la
coque. Comme ses formes sont typiques des TP 52, j’ai regardé les sections du
voilier de Marcelino Botin, Camper,
arrivé second en 2012. Marcelino est connu pour ses exploits dans cette classe,
et la capacité de ses voiliers à planer au près par vent moyen est remarquable.
Avec un bau maximum très reculé, à la gîte, le bateau se trouve sur un fond
pratiquement plat sur la moitié de sa longueur, appuyé sur son bouchain, il
plane merveilleusement. En superposant les sections de Camper et du 65, j’ai été surpris de la similitude des formes,
certes plus douces sur le 65, avec un bouchain plus près de la flotaison, ce
qui ouvre encore plus le V. Cependant, cette ouverture ne lui confère pas une
raideur comparable à ce qu‘avait Abu
Dhabi ou Groupama. La carène de
Juan Koumoundjian possèdait une raideur naturelle, grace à ses formes pleines
sous le bouchain, éloignant le centre de flottaison à la gîte. Pour sa faculté
à partir au planing, il comptait sur ses lignes extrèmement tendues sur les
huit-dixième de sa longueur.
D’après ses caractéristiques officiels, le VO 65 semble
manquer de raideur et de voilure, ce qui n’est pas très bon, pour les
performances. De plus, ses sections ne sont pas d’un grand secours. Il va gîter
rapidement, et trouvera peut être une allure qui lui sera favorable, mais si le
vent monte, il risque de se trouver moins rapide qu’un 60’, en tous les cas,
avec une vitesse bien inférieure à celle de ses ainés.
DATA
DATA
Volvo 65
•
Hull Length 20.40 m (67 ft)
•
Length on deck 19.8 m (65 ft)
•
Length overall 21.95 m (72 ft)
•
Hull Beam 5.60 m (18.4 ft)
•
Max Draft 4.70 m (15.4 ft)
•
Boat Weight (empty) 10,750 kg (23,700 lb)
•
Rig Height 30.30 m (99.4 ft)
•
Rig Arrangement
•
Deck stepped, twin backstays with deflectors
•
Bowsprit Length 2.15 m (7 ft)
•
Mainsail Area 151 m2
(
•
Working Headsail Area 135 m2 (permanently
hoisted furling jib)
•
Upwind Sail Area 451 m2 (Mainsail and Masthead
Code 0)
•
Downwind Sail Area 550 m2 (Mainsail and A3)
•
- Keel arrangement Canting keel to
+/- 40 degrees with 3 degrees of incline at axis
Daggerboards Twin, reversible,
retracting asymmetric daggerboards
- Rudders Twin under hull with
spare that may also be transom hung
- Aft Water Ballast Twin 800L
venturi filled tanks under cockpit sides at transom
- Forward Water Ballast Single centerline 1000L venturi
filled tank forward of mast
Et avant cela...
2001 à 2011
Pour réaliser ces plans, dessinés sur calque, j’ai observé les coques en construction ou à leur sortie de chantier, m’aidant des berceaux qui supportent les coques à terre, en tenant compte des personnalités des architectes et surtout en restant dans les jauges correspondantes. Ainsi j’ai pu dessiner ces plans avec une assez bonne précision. Dès que les voiliers ont reçu leurs appendices, j’ai pu finaliser ces plans, réalisés en 2001, 2005 et 2011.
2001-2002
En 2001, la nouvelle jauge qui définit les VO 60 autorise le gréement carbone, ce qui va booster ces voiliers et modifier profondément leur comportement.
Sur les huit candidats à la victoire, six plans conçus par Farr Design prennent le départ : Assa Abloy, Illbruck, News Corporation, Team SEB et Team Tyco. L’équipe du Nautor Challenge a fait construire deux bateaux dont un signé Bruce Farr, Amer Sport Two, l’autre, Amer Sport One, étant de la main de German Frers, Jr., “Mani Frers“. Le skipper Grant Dalton a réservé son choix jusqu’au dernier moment, laissant le voilier de Farr à l’équipage féminin de Lisa McDonald. Enfin, le huitième est le Norvégien Djuice Dragons, conçu par Laurie Davidson.
©François Chevalier |
Ce qui frappe aujourd’hui en regardant les trois dessins, c’est d’une part l’étroitesse de la flottaison des voiliers, et d’autre part, le creux assez prononcé des coques. Les trois concepteurs ont en effet créé des coques étroites, munies de ballasts le plus à l’extérieur possible, avec un petit bouchain arrondi, jauge oblige, au niveau du maître-bau.
©François Chevalier |
Pour Farr, un bateau doit être une « luge » coupée conformément aux exigences de la jauge. La coque semble taillée à la serpe : l’avant est coupé en pointe selon un plan incliné suivant un tracé de pont rectiligne de l’étrave jusqu’au mât. Suit une seconde coupe verticale sur 50 cm et parallèle sur chaque bord. Celle-ci se prolonge loin sur l’arrière. Enfin l’ultime taille intervient sur les flancs, à 45° vers le bas de la quille jusqu’à la mesure de chaîne. Elle se prolonge sans artifice jusqu’au tableau arrière. Laurie Davidson a privilégié la sécurité et créé une forte réserve de flottaison sur l’avant, pénalisée par une grande surface développée. Le voile de quille de Djuice semble important par rapport aux autres.
©François Chevalier |
Le plan de Nani Frers montre une plus grande raideur, avec des flancs moins évasés que ceux de ses concurrents, et une étrave plus rasante. Son voile de quille, légèrement en avant du mât, favorise les allures de près, mais rend le voilier volage aux allures portantes. Son plan de voilure et très reculé, avec un mât proche du milieu.
Il est intéressant de constater que sur les trois plans, les lests sont tous centrés sur le milieu de la flottaison, ce qui implique que les centres de carènes sont tous placés au même endroit.
Pour la petite histoire, les voiliers de Farr remportent les deux premières places, celui de Laurie Davidson se contente de la sixième place, avec une victoire dans la dernière étape.
2005-2006
Pour l’édition suivante, la Volvo se démarque avec une nouvelle race de bateaux, les Volvo 70. Plus longs, relativement plus légers, plus toilés, avec des quilles basculantes et deux safrans possibles, ils héritent des progrès de l’America’s Cup comme ceux des TP52 ou des Open 60.
ABN Amro One |
Juan Kouyoumdjian est le grand gagnant de l’épreuve, son ABN Amro One remporte 16 des 22 manches de cette course et son ABN Amro Two se classe quatrième, établissant un nouveau record de vitesse sur les 24 heures. Les quatre VO 70 de Bruce Farr, Pirates of Caribbean, Brasil, Ericsson et Movistar s’intercalent, et le voilier Australien conçu par Don Jones, Brunel, termine dernier.
©François Chevalier |
Les plans de Juan exploitent au maximum la jauge, plus large, donc plus raide, étrave inversée et rasante, quille basculante pivotant à l’intérieur de la coque, ce qui augmente encore la raideur au près, carène fuyante sur la moitié arrière, dérive profonde, quille allongée avec une section réduite. Plus puissantes et plus planantes, ces coques s’imposent et vont marquer les carènes à venir.
©François Chevalier |
Bruce Farr a cherché la finesse et l’équilibre, avec un safran dans l’axe du voilier.
©François Chevalier |
Quant à Don Jones, mal servi par un budget réduit, il avait créé un voilier plus conventionnel, plus rond et large, des formes avant pleines, avec une dérive unique en avant d’un mât très avancé et un cockpit très reculé.
2011-2012
Je n’ai pas eu l’occasion de finaliser les plans que j’avais préparés pour l’édition de 2008-2009, aucun magazine n’ayant donné suite à ma proposition de publier les plans des cinq cabinets d’architecte.
Pour 2011-2012, sur les trois architectes en lice, Juan K en dessine la moitié, l’Americain Puma skippé par Ken Read, le Français Groupama 4 mené par Franck Cammas et l’Espagnol Telefonica, mené par Iker Martinez. Farr Yacht Design en a dessiné un, Abu Dhabi ; le Chinois Sanya est l’ex-Telefonica Blue, un plan Farr, skippé par le vainqueur de 2006, Mike Sanderson. Enfin, Marcelino Botin, remarquable pour ses TP52, est l’auteur des plans de Camper pour ETNZ.
De façon la plus surprenante pour cette “Box Rule“, les plans des trois architectes s’avèrent totalement différents. Marcelino Botin a créé un véritable super TP52, fin, tendu à l’extrême, avec un centre de gravité très avancé, un bau reculé au trois-quarts de sa longueur et un tableau arrière rasant, des dérives immenses en arrière du mât, lui-même centré sur le milieu du voilier.
Le plan de Farr rompt avec toutes les tendances. Considérant que ces voiliers planent dès la moindre brise, et stoppent brutalement dans les vagues trop abruptes, la coque doit se mettre au planning le plus vite possible, et basculer au près sans trop pivoter sur l’avant, afin d’augmenter la raideur. Résultat, une étrave monumentale, ronde et pleine, rasante, des flancs verticaux, un bau maximum autorisé dès la moitié du voilier, une ligne de flottaison large et centrée, des formes tendues mais douces, des dérives fines et élaborées, pratiquement verticales et proches de l’axe. Le pont est bombé sur l’avant, sans marquage de roof.
Juan K a développé ses plans précédents en optimisant tous les avantages déjà acquis lors de la dernière édition remportée par le Suédois Ericsson. Des formes avant très élaborées, bien visibles sur les sections avant, sous un bouchain qui se prolonge jusqu’à l’étrave ; des fonds plats dès l’étrave, garantissant un départ au planning et écartant l’axe du voilier à la gîte pour une plus grande raideur ; des fonds arrière épousant la forme de la vague, afin de favoriser le prolongement du sillage et d’allonger la vague définissant la vitesse limite. Toutes ces caractéristiques ont démontré leurs avantages sur les autres concurrents, les trois voiliers conçus par Juan sont actuellement en tête de la course.
Cependant il convient de remarquer les points communs aux trois concepteurs : L’exploitation de la largeur maximun de la jauge et des appendices assez semblables.
En ce qui concerne les avaries survenues lors des étapes précédentes, sans prétendre détenir une vérité, les voiliers de la nouvelle génération sont soumis à des efforts jamais encore atteints, et leurs formes ne favorisent pas particulièrement l’impact des tonnes d’eau qu’ils reçoivent à un rythme aussi soutenu. Bravo aux voiliers qui ont tenu bon !
Bravo aussi à tous ces marins qui résistent aux paquets de mer et à l’inconfort extérieur comme intérieur …
Bravo pour vos articles, les plus interessants du web !
RépondreSupprimerPascal