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lundi 24 septembre 2012

VENDEE GLOBE CHALLENGE - VENDEE GLOBE CHALLENGE 2012-2013 - CHEMINEES POUJOULAT 60 IMOCA 2011 - PRB 60 IMOCA 1996 - JUAN KOUYOUMDJIAN - FINOT-CONQ - Il Moro di Venezia V 1991 - Black Magic 1993 - Emirate Team New Zealand 2006 - International Class America


EN AVANT PREMIERE DU VENDEE GLOBE CHALLENGE 2012-13

Vendée Globe, boîtes à chaussure contre coque en V

Cheminées Poujoulat et les autres

Par François Chevalier


Depuis quelques années, les voiliers de course ont des flancs de plus en plus verticaux, et le moindre bateau moderne doit posséder au moins son bouchain dit évolutif, au risque de dater.

©François Chevalier. Cheminées Poujoulat lancé en 2011 pour le Vendée Globe 2012-2013. On voit que ce plan regroupe bien des idées de Juan Kouyoumodjian : bouchais très bas, flancs verticaux, brion en "queue de castor".

Les formes des coques des voiliers ont des origines très diverses. Elles sont dérivées le plus souvent des conditions de navigation, de leur destination et des techniques de construction locales. Entre 1860 et 1890, la conception Américaine des « Plats à Barbes », dérivés des bateaux de pêches de la côte Ouest, s’est opposée aux « Planches sur la Tranche » Britanniques, voiliers taxés à leur largeur, pour donner naissance à un « Compromis », le plus souvent en forme de V ouvert. La formule s’est imposée, notamment lors des trois Coupes de l’America, entre 1885 et 1887.

La révolution de 1891 crée une génération de coques à surface mouillée réduite, c’est à dire la plus ronde possible. Mais dès 1903, elle est condamnée aux États-Unis par la création de la Jauge Universelle, et plus encore par la Jauge Internationale votée en 1906. En France, la Jauge de 1902 pénalisait déjà toute tentative de forme extrême.

Les jauges d’après guerre, RORC et IOR ont surtout taxé la stabilité, et donc par une voie totalement différente, ont interdit tout progrès radical. Pas question alors de revenir au « plat à barbe » ou à la quille à bulbe. Il faut attendre les grandes courses en solitaire, dénuées de règle de jauge, pour que les formes s’affranchissent de soixante ans de restrictions. La Transat (1960), la Transpacifique (1969), la Mini transat (1977), le Boc Challenge (1982) puis le Vendée Globe (1989) vont être le berceau du renouveau de l’architecture navale. Parallèlement, le développement des multicoques de course va générer un progrès déterminant grâce à l’évolution de la mise en œuvre de nouveaux matériaux dont les monocoques bénéficient.
©François Chevalier. Cheminées Poujoulat


Le 60’ IMOCA Cheminées Poujoulat conçu par Juan Kouyoumdjian est une belle illustration des dernières tendances en matière architecturale. Son bouchain n’est plus du type évolutif, mais descend près de la flottaison et se termine à l’étrave. Il y a une boîte au-dessus de l’eau et une carène en dessous.

Comme l’explique Juan, la coque présente une légère inflexion sur l’arrière. Le creux qui en résulte favorise l’allongement de la vague qui définit la vitesse du voilier, créant artificiellement une longueur de flottaison plus grande que sur la configuration habituelle. De ce fait, le tableau arrière se trouve enfoncé à l’arrêt. Avec la vitesse, le voilier creuse la mer comme un bateau à moteur. Cette forme de coque existe déjà sur les derniers multicoques de la Formule 18. Fort de l’expérience de Hugo Boss, l’ex-Pindar, son précédent 60’, Juan a limité la largeur à 5,97 m, ce qui le place encore dans les plus large, donc dans ceux qui ont le plus de raideur.
©François Chevalier. La carène de Cheminées Poujoulat présente vers l'arrière un inflexion qui permet, avec la vitesse, d'augmenter artificiellement la longueur de flottaison. Cette dernière ne s'arrête pas au droit du tableau mais avec la vague qui se forme derrière...

Pour favoriser le départ au planning, l’architecte a tronqué l’avant de la coque par un plan en biais, à partir de la flottaison jusqu’au quart du bateau. À la gîte, cet aplat participe également à prolonger la flottaison sur l’avant et forme un plan porteur, avec un bouchain sur lequel l’avant du voilier prend appui.

Cheminées Poujoulat et le 70’ Volvo Groupama ont quelques similitudes, et sont fortement marqués par les dernières trouvailles de leur architecte - pour plus de détails sur l'évolution des carènes des bateaux de la Volvo, voir notre post en date du 16 avril 2012 sur ce blog.
©François Chevalier - PRB 1996

En 1996, le 60’ PRB d’Isabelle Autissier est à la pointe de ce qui se fait de mieux dans la Classe. Les Architectes Finot-Conq sont alors les concepteurs incontournables. Leur expérience autant que leur réussite les placent en tête de yachts designers d’alors.

©François Chevalier - PRB 1996 - plan de voilure


Les sections de la coque, avec des flancs en V très ouverts montrent une carène présentant une flottaison étroite, ce qui induit une surface mouillée réduite. Les formes ont été étudiées pour que lignes d’eau à la gîte soient proches de la symétrie axiale. Deux petites dérives en avant du mât améliorent les performances au près. Déjà, une quille pendulaire permet de réduire le poids du lest par rapport aux voiliers équipés de ballast latéraux, et les deux safrans sont pourvus de skeg, pour renforcer leur attache en cas de choc avec un objet flottant. Le bouge du pont est très marqué, le roof est tout en longueur, favorisant l’instabilité de la coque lorsqu’elle est à l’envers.

Il est intéressant de mettre en parallèle l’évolution de deux Classes que tout oppose, les Class America et les 60‘ IMOCA.

©François Chevalier - Il Moro di Venezia (1992), Black Magic (1995)n Emirates TNZ (2007). Treize ans d'évolution de formes de Class America. Du "V" ouvert (flottaison étroite) on arrive à des flans verticaux (meilleure remontée au près) en passant par des formes rondes (moins de surface mouillée)
En fait, un Class America est un voilier dit à déplacement (24 tonnes) dont le lest représente 80 % du poids.  Comme tout navire à déplacement, sa vitesse est limitée par la longueur de la vague qu’il crée, soit 9,9 nœuds pour cette longueur. Normalement, il atteint sa vitesse limite au près par 12 nœuds de vent, à un dixième de nœuds près, et aura une vitesse constante jusqu’à 25 nœuds de vent. 

©François Chevalier. Il Moro di Venezia (1992), Black Magic (1995)n Emirates TNZ (2007). Evolution de plan de voilure. La grand voile a gagné en surface et prend de plus en plus la forme d'une aile.
Par contre, le Class America possède des capacités étonnantes pour remonter le vent. Entre 4 et 7 nœuds de vent réel, sa vitesse est supérieure de deux points par rapport au vent. Par 8 nœuds de vent, son angle de remontée au vent est de 41°, et sa vitesse est déjà supérieure à 9 nœuds. Il atteint son meilleur angle, 28°, par environ 16 nœuds de vent, avec, comme on l’a vu, une vitesse stabilisée à 9,9 nœuds. Au-delà de 16 nœuds, il abat progressivement jusqu’à 32° par 25 nœuds de vent. Par comparaison, un voilier de régate performant de 40 pieds aura une vitesse au près plus progressive qu’un ACC, jusqu’à 20 nœuds de vent, mais son cap augmente de 45 à 40° entre 8 et 16 nœuds de vent. Cette particularité explique la priorité donnée aux éléments favorisants la remonté au vent sur un ACC. À quoi servirait-il de gagner un demi-nœud de vitesse si le voilier perd un ou deux degrés au près. Le Class America est avant tout un voilier de match racing, il s’agit de croiser devant l’adversaire et de le couvrir en pointant sur la bouée au vent. Pour remonter au vent, il faut de la stabilité et un plan anti-dérive efficace. En ce qui concerne la stabilité initiale, le Class America est bien servi. Quelle que soit la forme de sa section au maître bau, le lest de 19 tonnes à 4,10 mètres sous l’eau lui confère une telle stabilité que si les 17 membres d’équipage s’alignent sur un bord du voilier, le mât reste pratiquement vertical. Rien à voir avec les libellules à échelles du lac de Genève, les 60’ Open ou les 70’ de la Volvo. Par 12 nœuds de vent, le Class America qui gîte le moins, avec la même voilure, recevra plus de vent dans ses voiles et pourra pointer plus près du vent que celui qui est plus couché. Si sa carène présente des formes rondes sous l’eau, en  prenant de l’inclinaison, son centre de flottaison ne variera pas beaucoup. Par contre, s’il a une carène en U prononcé, comme par exemple Oracle USA 76 ou Emirates Team New Zealand NZL 92, son centre de flottaison se déplace très rapidement sous le vent et crée un moment de redressement important.
©François Chevalier. Il Moro di Venezia (1992), Black Magic (1995) & Emirates (2007): trois carènes totalement radicales pour leur époque et radicalement différentes...
Alors qu’en 1992, Il Moro di Venezia ITA 25 présentait des flancs en V ouvert, avec des fonds assez plats, la génération suivante, Black Magic NZL 32 avait des sections proches du cercle parfait, en vue d’un meilleur passage dans l’eau et une réduction de la surface mouillée. Au cours de la dernière Coupe des Class America, en 2007 à Valence, on a assisté à un concours de flancs verticaux, au point que l’appellation « Boîte à Chaussure » est apparue. En fait cette forme privilégie la raideur, principal facteur de vitesse et de cap.

L’histoire du progrès est un éternel recommencement. À force d’amélioré un des éléments de vitesse, on délaisse les autres et le concurrent suivant arrive avec une option radicalement différente qui s’avère remettre tout en question. La dernière Mini Transat vient de nous démontrer que le progrès peut venir de bien des façons !



Fiches techniques :

Cheminées Poujoulat
60‘ IMOCA
Architecte : Juan Kouyoumdjian
Chantier : Décision SA, Ecublens, Suisse
Mise à l’eau : 24 septembre 2011
Longueur : 18,28 m
Flottaison : 18,28 m
Bau : 5,97 m
Tirant d’eau : 4,50 m
Déplacement :  8 t
Voilure, près : 80 m2

PRB
60‘ IMOCA
Architecte : Finot - Conq
Chantier : Marc Pinta, La Rochelle
Mise à l’eau : 3 septembre 1996
Longueur : 18,28 m
Flottaison : 17,75 m
Bau : 5,70 m
Tirant d’eau : 4,18 m
Déplacement : 9,5 t
Voilure, près : 270 m2

Il Moro di Venezia V
Class America, ITA-25
Architecte : German Frers
Constructeur : Tencara, Porto Marghera, Italie
Lancement : 16 décembre 1991 à San Diego.
Longueur hors tout : 22,90 m
Longueur de flottaison : 18,10 m
Bau : 5,50 m
Tirant d’eau : 4 m
Déplacement : 24,5 t
Surface de voilure : 326,6 m2
Spinnaker : 425 m2

Black Magic
Class America NZL-32
Architectes : Doug Peterson et Laurie Davidson
Constructeur : McMullen & Wing yard, Auckland, New Zealand.
Mise à l’eau : Septembre 1993.
Longueur hors tout : 24,24 m
Longueur de flottaison : 18,04 m
Bau : 4,05 m
Tirant d’eau : 4 m
Déplacement : 24,7 t
Surface de voilure : 330 m2
Spinnaker : 425 m2

Emirates Team New Zealand
Class America NZL 92
Architectes : Andy Claughton, Marcelino Botin, Clay Oliver.
Constructeur : Cookson’s Boatyard, Auckland, New Zealand.
Baptême : 24 juin 2006
Longueur hors tout : 23,80 m
Longueur à la flottaison : 18,90 m
Largeur : 3,35 m
Tirant d’eau : 4,10 m
Poids : 24 t
Lest : 19 t
Surface de voilure au près : 340 m2

1 commentaire:

  1. Tres bel univers que vous nous proposez et que nous partageons avec tous les professionnels du nautisme. Et comme poujoulat est a la frontière de la région deux sevres / charente maritime nous l’apprécions particulierement

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