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samedi 2 mai 2020

CLASS40 - DERNIERES ÉVOLUTIONS

Dernières évolutions et révolutions 

dans la Class40


David Raison remportait une double victoire dans la Mini Transat et la Transat Jacques Vabre 2019. Ses deux créations, le Mini n° 865, Team BFR-Marée Haute de François Jambou et le Class40 n° 158 Crédit Mutuel, avec Ian Lipinski et Adrien Hardy ont traversé l’Atlantique en prouvant une nouvelle fois que les nez ronds sont l’avenir.
Le vainqueur de la dernière Mini Transat La Boulangère, n° 865 sous les couleurs de Flexirug. En Mini, la victoire n’est pas synonyme de réussite économique, mais l’esprit de convivialité, de compétitivité et de progrès est le moteur de la Classe.  
La révolution David Raison, qui nous avait pourtant habitués à ses nez ronds depuis dix ans, vient de s’imposer avec son premier Class40, qui écrase la concurrence, pourtant réputée de haute volée. Le nez rond, rendu pointu par obligation de jauge, fait un pied de nez à toutes les traditions.
En créant la Mini Transat, l’objectif de Bob Salmon, de renouer avec l’aventure avec peu de moyens sur des voiliers de 6,50 mètres, s’est vérifié lors de la première édition, en 1977, mais dès 1979, un prototype à ballast American Express, à Norton Smith, l’emporte. Il ouvre la voie à l’expérimentation de solutions architecturales innovantes. En 2010, l’ingénieur David Raison conçoit le Magnum 747 avec une étrave large et pleine. 

Dès ses premiers essais en 2010, le Magnum de David Raison a affiché une supériorité évidente sur la conception classique des Mini. Pourtant, il faudra attendre 2017 pour voir les premiers nez ronds dans la Classe.
La victoire de David dans la Transgascogne et la Mini 2011 confirme le pronostic, mais de façon assez étonnante, pas une nouvelle étrave de scow à l’horizon pour 2013, alors que l’Italien Giancarlo Pedote rebaptise le 747 Prysmian et s’adjuge huit victoires entre 2012 et 2014 et remporte le classement général des Mini des années 2013 et 2014. 

Prysmian, ex Magnum 747,  acquis par la société SEAir, est devenu en 2017 le premier monocoque moderne à voler sur foils.

Mis à l’eau en 2014, le nouveau Maximum 865 de David Raison, sous les couleurs de Cultisol, puis Flexirub Cherche Sponsor, puis Griffon, se taille 14 victoires entre 2016 et 2017. Pourtant, pour la saison 2017, sur la trentaine de protos qui courent, on ne compte encore aucun nouveau plan de David. Baptisé en 2018 Offshoresailing.fr, puis BFR Marée Haute, puis BFR Marée Haute Jaune, et enfin Team BFR-Marée Haute, il vient de battre les nouveaux Mini à nez ronds mis à l’eau récemment, totalisant 25 victoires depuis sa mise à l’eau.

Autant la jauge des Mini est ouverte, autant celle de la Class40 est restrictive. En effet, elle a été créée en 2004 par Patrice Carpentier, coureur, auteur et journaliste, pour rassembler sur un voilier océanique tous ceux qui veulent courir avec un petit budget, les amateurs, et les coureurs en manque de grands sponsors. La longueur de la coque est limitée à 12,19 mètres, le bau à 4,50 mètres, le tirant d’eau à 3 mètres. Le bout-dehors démontable ne doit pas dépasser 2 mètres et le franc-bord moyen doit être au moins égal à 1,08 mètre. Le déplacement minimum est de 4,5 tonnes, deux ballastes de 750 litres sont possibles, la quille est fixe, pas de dérive ou de foils, pas de gréement sophistiqué, et les matériaux exotiques, carbone, kevlar ou autres sont interdits. Le tirant d’air de la grand-voile est au maximum à 19 mètres, et la surface des deux voiles, solent et grand voile, limitée à 115 mètres carrés. Enfin, une mesure, qui devait empêcher de concevoir un scow, prise à 20 centimètres de l’étrave, limite la largeur de la coque à 45 centimètres.

En 2006, vingt-cinq Class40 sont au départ de la Route du Rhum, représentant un tiers de la flotte à Saint-Malo. Depuis, la Class reste la plus nombreuse dans la plupart des grandes courses au large auxquelles elle participe. Ce succès est du à la vigilance des responsables de la jauge, qui choisissent toujours la solution la moins onéreuse. Grâce à cette rigueur, un Class40 prêt à courir coûte le prix d’une paire de foils d’un IMOCA de 60 pieds. Si récemment quelques architectes se partagent les commandes, comme Marc Lombard, Finot-Conq, Sam Manuard, Owen Clarke, ou Guillaume Verdier, les cabinets les plus réputés sur le plan international, comme Farr Yacht Design, Botin Partners ou Jason Ker s’y sont essayés. Les deux séries les plus importantes, avec leurs versions successives, sont celles des Akilaria, du cabinet Marc Lombard, avec Éric Levet et les Pogo développés par Pascal Conq, associé du Groupe Finot.

L’Akilaria 40C de série, du cabinet Marc Lombard, a connu des jours de gloire dès les premiers modèles. Certains depuis ont même tourné autour du monde, en course ou en croisière.
La série des Pogo 40, chère à Pascal Conq, son créateur, a permis à nombre de coureurs amateurs et semi-professionnels de courir les grandes classiques de course au large.

Si la Class est internationale, comprenant une douzaine de nations, la communication sur les résultats est le plus souvent estompée par les arrivées des grandes classes, les Ultimes et les IMOCA, qui bénéficient des premières nouvelles et de gros moyens de diffusion. Aussi, l’arrivée de Crédit Mutuel, le premier Class40 à nez rond d’un architecte dont c’est la première création, a marqué les esprits et retenu toute l’attention, d’autant que son Mini venait d’arriver en tête de la Transat. Pourtant, 160 voiliers ont été enregistrés depuis 2006. À l’époque, l’Akilaria de Marc Lombard était proposé en version croisière et course, comme les premiers Pogo 40. Progressivement, les silhouettes et les carènes ont évoluées, et les architectes se sont efforcés d’optimiser les possibilités que laissaient la jauge.

La tendance de ces dernières années s’est orientée vers des lignes plus tendues, en créant une étrave épaisse, et en reculant le bau maximum. À la gîte, le voilier a ainsi moins de surface mouillée, et conserve toute sa longueur. L’exemple du Corum n° 155, de Sam Manuard, un Mach 40.3, mis à l’eau en 2018 est bien représentatif de cette évolution.

Les Mach 40.3 de Sam Manuard sont encore redoutables et deux d’entre eux étaient sur les marches du podium de la dernière Transat Jacques Vabre. Corum remportait sa première régate en 2018, la Volvo Round Ireland Yacht Race, avec Nicolas Troussel, Ian Lipinski et Aymeric Belloir.

Le premier à tenter une solution adaptée à la jauge pour créer une carène proche des scows est celui d’Éric Levet pour le cabinet Marc Lombard, qui, dès 2016, travaille dans cette direction. Carac, n° 150, un Lift 40, mis à l’eau en 2017, possède une coque pleine sur l’avant, avec un flanc vertical qui contourne le voilier. La carène est résolument, à fonds très plats, avec des sections en U, très ouvertes et un bouchain résolument vif. Il n’y a plus de transition entre le bordé et la carène, le bouchain crée une cassure franche. L’étrave est relevée, ce n’est déjà plus la longueur de la flottaison à l’arrêt qui compte, mais la capacité de la carène à planer, et à escalader les vagues au lieu de s’y planter.

Carac est le premier de la série des Lift 40 du cabinet Marc Lombard. Le dessin du bouchain sur la moitié arrière est plus haut en réalité. L’angle d’attaque de l’étrave est un début de révolution dans le dessin des carènes des Class40.

Le plan général montre une nette évolution vers une version scow. D’ailleurs, certains scows américains présentent ce genre d’étrave pincée. Les lignes d’eau sur l’avant sont proches du bouchain et très courbes. À la gîte, le voilier prend appui sur un plan pratiquement plat, de l’avant à l’arrière, favorisant le planning.

L’arrivée dans le circuit des Class40 de David Raison, par Ian Lipinski (14 victoires sur son Mini entre 2016 et 2017), et le Crédit Mutuel, n° 158, bouleverse toutes les solutions précédentes, et va au-delà des idées préconçues. 

La révolution David Raison, qui nous avait pourtant habitués à ses nez ronds depuis dix ans, vient de s’imposer avec son premier Class40, qui écrase la concurrence, pourtant réputée de haute volée. Le nez rond, rendu pointu par obligation de jauge, fait un pied de nez à toutes les traditions.

La moitié arrière du voilier est au maximum du bau autorisé, et l’avant est le plus large possible, dans la limite de la fameuse mesure à 20 centimètres de l’étrave. Comme sur le Lift 40, la coque est entourée d’un ruban vertical; la carène, aux formes douces, vient se rapporter sous le bouchain. L’étrave est très fuyante, et la flottaison commence bien au-delà du couple un. Le but est clair, le voilier doit planer en permanence, et lever le nez! Afin d’améliorer les performances au près, le voile de quille est en avant par rapport au bulbe du lest, et pour assurer une plus grande raideur de la coque, et assurer un volume en cas de retournement, le roof est prolongé jusqu’au premier couple.

Sur les derniers Class America, on parlait de boîte à chaussure, on est de nouveau en plein dedans. Il y a une certaine symétrie dans les lignes d’eau sous la flottaison, qui correspondent à la carène immergée. Dès que le voilier gîte, la surface de flottaison diminue drastiquement.

La mise à l’eau tardive de la dernière version des Mach 40 de Sam Manuard, le Mach 40.4 n° 159, Banque du Léman, pour la Transat Jacques Vavre n’a pas permis à Simon Koster et Valentin Gautier de monter sur le podium. 

Sam Manuard n’a pas hésité à reculer le pied de mât, le centre de flottaison et le voile de quille. La silhouette est hyper puissante. En réalité, avec de la brise, la tête de mât se courbe et la sustentation opère, soulevant l’étrave pour mieux surfer sur les vagues.

Manuard reprend les idées de David Raison, mais en arrondissant le bouchain, avec une carène plus ronde et des lignes plus tendues en générale. Le bouchain, assez haut, est conservé sur le tiers arrière. La flottaison est un peu plus longue que sur Crédit Mutuel, mais la volonté de se hisser sur les vagues est la même, même si le voilier pousse un peu plus d’eau que son concurrent. 

Une coque tout en rondeur, creuse et tendue, avec un avant bien plein, des sections très en rondeur. Les sections longitudinales, en rouge sur la vue de profil, montrent une différence importante avec le plan David Raison, alors que les deux plans de coque sont très proches, étant obligés de rentrer dans la mesure de jauge proche de l’étrave.

Les deux Mach 40.3 qui accompagnent Crédit Mutuel sur le podium, montrent que la solution scow n’est pas un gage de victoire, mais un vent nouveau flotte désormais sur la Class.

Les sections des trois Class40 mettent en évidence leurs différences. Un voilier taillé à la serpe pour Carac, une boîte à chaussure sur une carène tendue pour Crédit Mutuel et des courbes bien pleines pour Banque du Léman. 

En redessinant les carènes de ces trois Class40, je n’ai pas manqué de me demander quelle serait la prochaine trouvaille pour les faire avancer plus vite. Je propose de continuer dans la voie ouverte par David, et de travailler sur la puissance, en reculant le lest et le gréement comme l’on fait les IMOCA, et de créer un effet de plaque au bas de la voilure, sur le pont et le roof, comme sur les derniers catamarans de l’America’s Cup, et les AC75. Le lest placé en arrière du voile de quille participe à la faculté de la carène de lever devant l’obstacle. La casquette du roof, outre son action de réverbération de la grand-voile, protège efficacement le cockpit des embruns. Une épontille reprend les efforts du rail d’écoute.

Il s’agit juste d’une première esquisse : une carène résolument soulevée sur l’avant, un plan à la limite de la jauge, en largueur, et des lignes les plus tendues possible sur l’arrière, pour bénéficier d’une grande longueur à la gîte, et escalader les obstacles, en planant le plus vite possible. Un plan de voilure reculé, un pont et un roof faisant office de plaque.

Cette classe est décidément vouée à un bel avenir !

François Chevalier



Class40

Longueur hors tout : 14,19 m
Longueur de coque : 12,19 m
Bau : 4,50 m
Tirant d’eau : 3,00 m
Tirant d’air : 19 m
Solent  et Grand-voiles : 115 m²
Déplacement : 4,5 t
Ballast : 2 x 750 litres

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