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lundi 13 février 2023

Évolution des formes des carènes des voiliers de la Whitbread, de 1974 à l’Ocean Race 2023 - DEUXIÈME PARTIE

 1 - Des Maxi des années 1970 aux premiers W60

2 – Des Volvo 60 aux Volvo 70


3 – du Volvo 65 aux IMOCA


DEUXIÈME PARTIE : 

Des Volvo 60 au Volvo 70

EF Language Sail plan © F Chevalier

Pour l’édition 1997-98, la Whitbread Round The World Race se dispute avec les W60, et le score se décompte en points, au lieu de temps additionné au long des étapes, qui sont au nombre de neuf. Dix concurrents quittent Southampton pour ce tour du monde dont la dernière étape passe par La Rochelle. Bruce Farr signe 8 des 10 plans, et s’octroie les sept premières places, et la neuvième, avec l’équipage féminin mené par Christine Guillou. Paul Cayard, célèbre régatier, remporte la victoire sur EF Language devant un chiffre impressionnant de figures de la course, comme Dennis Conner, Chris Dickson, Laurie Smith, Grant Dalton, Ross Field ou John Kostecki. Les plans Farr sont tous très proches, avec des formes encore assez rondes par rapport aux précédents Maxi.



EF Language Perspective © F Chevalier


Déjà sponsorisé par Volvo en 1997-98, la Whitbread suivante change de nom et devient la 2001-02 Volvo Ocean Race. 


La nouvelle jauge qui définit les VO 60 autorise le gréement carbone, ce qui va booster ces voiliers et modifier profondément leur comportement. Sur les huit candidats à la victoire, six plans conçus par Farr Design prennent le départ. L’équipe du Nautor Challenge a fait construire deux bateaux, dont un signé Bruce Farr, Amer Sport Two, l’autre, Amer Sport One, étant de la main de German Frers, Jr., « Mani Frers ». Le skipper Grant Dalton a réservé son choix jusqu’au dernier moment, laissant le yacht de Farr à l’équipage féminin de Lisa McDonald. Enfin, le huitième est le Norvégien Djuice Dragons, imaginé par Laurie Davidson.


Ce qui frappe en regardant les trois dessins, c’est d’une part l’étroitesse de la flottaison des voiliers, et d’autre part, le creux assez prononcé des carènes. Les trois concepteurs ont en effet créé des coques minces, munies de ballasts le plus à l’extérieur possible, avec un petit bouchain arrondi, jauge oblige, au niveau du maître-bau.


Illbruck Challenge lines © F Chevalier

Pour Farr, un bateau doit être une « luge » coupée conformément aux exigences de la jauge. La coque semble sculptée à la serpe : l’avant est taillé en pointe selon un plan incliné suivant un tracé de pont rectiligne de l’étrave jusqu’au mât. Suit une seconde coupe verticale sur 50 cm et parallèle sur chaque bord. Celle-ci se prolonge loin sur l’arrière. Enfin, l’ultime taille intervient sur les flancs, à 45° vers le bas de la quille au point de mesure de la chaîne. Elle se poursuit sans artifice jusqu’au tableau arrière. 


Djuice Dragons lines © F Chevalier

Laurie Davidson a privilégié la sécurité et créé une forte réserve de flottaison sur l’avant, pénalisée par une grande surface développée. Le voile de quille de Djuice semble important par rapport aux autres.


Mani Frers' Amers Sport One lines © F Chevalier


Le dessin de Mani Frers montre une plus grande raideur, avec des flancs moins évasés que ceux de ses concurrents, et une étrave plus rasante. Son voile de quille, légèrement en avant du mât, favorise les allures de près, mais rend le racer plus volage aux allures portantes. Son plan de voilure et très reculé, avec un mât proche du milieu.


Les bateaux de Farr remportent les deux premières places, Illbruck Challenge devant Assa Abloy, le tracé de Mani Frers est sur l’ultime marche du podium. Celui de Laurie Davidson se contente de la sixième position, avec une victoire dans la dernière étape.


Illbruck Challenge © F Chevalier


Pour la 2005-06 Volvo Ocean Race, une nouvelle classe de voilier est introduite, le Volvo Open 70. Plus longs, relativement plus légers, plus toilés, avec des quilles basculantes et deux safrans possibles, ils héritent des progrès de l’America’s Cup comme ceux des TP52 ou des Open 60. 


Juan Kouyoumdjian est le grand gagnant de l’épreuve, son ABN Amro One remporte 16 des 22 manches de cette course et son ABN Amro Two, skippé par Sébastien Josse, se place en quatrième position, établissant un nouveau record de vitesse sur les 24 heures. Les quatre VO 70 de Bruce Farr, Pirates of Caribbean, barré par Paul Cayard, BrasilEricsson et Movistar s’intercalent, et le voilier australien conçu par Don Jones, Brunel-Sunergy, termine dernier.


ABN Amor One's lines © F Chevalier


Les plans de Juan exploitent au maximum la jauge, plus large, donc plus raide, étrave inversée et rasante, quille basculante, pivotant à l’intérieur de la coque, ce qui augmente encore la raideur au près, carène fuyante sur la moitié arrière, dérive profonde, quille allongée avec une section réduite. Plus puissantes et plus planantes, ces coques s’imposent et vont marquer les carènes à venir. 


Movistar's  lines © F Chevalier


Bruce Farr a cherché la finesse et l’équilibre, avec un safran dans l’axe du voilier. Movistar perd sa quille, l’équipage est repêché par ABN Amro Two.


Brunel-Sunergy's lines  ©F Chevalier


Quant à Don Jones, mal servi par un budget réduit, il avait créé un voilier plus conventionnel, plus rond et large, des formes avant pleines, avec une dérive unique en avant d’un mât très avancé et un cockpit très reculé.


ABN Amro One Sail plan © F Chevalier


La dixième édition de cette course autour du monde, la 2008-09 Volvo Ocean Race devient de plus en plus difficile à suivre pour le public. Elle part d’Espagne, passe par Le Cap, gagne Singapour, puis la Chine à Qingdao, traverse l’océan Pacifique du Nord au Sud, rejoint Rio et Boston, l’Irlande, Göteborg, Stockholm, et se termine à Saint-Pétersbourg en Russie ! On est très loin de la Whitbread en quatre étapes.

 

Sur les dix voiliers, Juan Kouyoumdjian en conçoit trois, Bruce Farr deux, le cabinet Botin Carkeek un, Reichel/Pugh un, et Roy Humphreys le dernier.

 

Ericsson 4, un plan JK, avec Torben Grael à la barre, domine la meute, suivi par Puma de Botin, mené par Ken Read, Telefonica Blue de Farr se place troisième. 

 

Je n’ai pas eu l’occasion de finaliser les tracés que j’avais préparés pour l’édition de 2008-2009, aucun magazine n’ayant donné suite à ma proposition de publier les plans des cinq cabinets d’architecte.


Ericsson 4 sail plan © F Chevalier


Pour 2011-2012, sur les trois architectes en lice, Juan K en imagine la moitié, le Français Groupama 4 barré par Franck Cammas, l’Américain Puma skippé par Ken Read, et l’Espagnol Telefonica, mené par Iker Martinez. Farr Yacht Design en a dessiné un, Abu Dhabi ; le Chinois Sanya est l’ex- Telefonica Blue, un plan Farr, skippé par le vainqueur de 2006, Mike Sanderson. Enfin, Marcelino Botin, remarquable pour ses TP52, est l’auteur des plans de Camper pour ETNZ.


Camper lines © F Chevalier

De façon la plus surprenante pour cette « Box Rule », les plans des trois architectes s’avèrent totalement différents. Marcelino Botin a créé un véritable super TP52, fin, tendu à l’extrême, avec un centre de gravité très avancé, un bau reculé au trois-quarts de sa longueur et un tableau arrière rasant, des dérives immenses en arrière du mât, lui-même centré sur le milieu du voilier.



Abu Dhabi lines (Farr Yacht Design) © F Chevalier


Le plan de Farr rompt avec toutes les tendances. Considérant que ces racers planent à partir de la moindre brise, et stoppent brutalement dans les vagues trop abruptes, la coque doit se mettre au planning le plus vite possible, et basculer au près sans trop pivoter sur l’avant, afin d’augmenter la raideur. Résultat, une étrave monumentale, ronde et pleine, rasante, des flancs verticaux, un bau maximum autorisé dès la moitié du voilier, une ligne de flottaison large et centrée, des formes tendues, mais douces, des dérives fines et élaborées, pratiquement verticales et proches de l’axe. Le pont est bombé vers l’étrave, sans marquage de roof.


Groupama 4 lines (by JK) ©F Chevalier


Juan K a développé ses plans précédents en optimisant tous les avantages déjà acquis lors de la dernière édition remportée par le Suédois Ericsson. Des formes avant très élaborées, bien visibles sur les sections avant, sous un bouchain qui se poursuit jusqu’à la proue ; des fonds plats dès l’étrave, garantissant un départ au planning et écartant l’axe du voilier à la gîte pour une plus grande raideur ; des fonds arrière épousant la forme de la vague, afin de favoriser le prolongement du sillage et d’allonger la vague définissant la vitesse limite. Toutes ces caractéristiques ont démontré leurs avantages sur les autres concurrents.

 

Groupama 4 emporte le trophée Volvo sur le dessin Botin Camper, suivi par les deux nouveaux plans JK, Puma et Telefonica, les deux Farr terminant bons derniers.


Groupama 4 Sail plan ©F Chevalier




Puma Sail plan ©F Chevalier

Les six sections des deux V60 et des quatre V70 montrent bien l’évolution des formes des voiliers de cette période de la Whitbread. Entre le premier, le Laurie Davidson et le Mani Frers de 2001, la flottaison s’élargit. 


Du premier V70 en haut à droite de Don Jones de 2006 jusqu’au Botin de 2011, le bouchain se précise et les formes se radicalisent.


 2 sections de VO 60 et quatre de VO 70, entre 2001 et 2011 ©F Chevalier


dimanche 12 février 2023

Evolution of the Whitbread yachts' hull design, from 1974 to the Ocean Race 2023 - SECOND PART

1 - From the 1970s Maxi to the first W60

2 - From the Volvo 60 to the Volvo 70

3 - From Volvo 65 to IMOCA



SECOND PART:

From the Volvo 60 to the Volvo 70

 
-       EF Language Sail plan © F Chevalier

In the 1997-98 edition, the Whitbread Round The World Race was raced with the W60s, and the score was counted in points, instead of time added up over the nine legs. Ten contenders left Southampton for this round-the-world race, the last leg of which took place in La Rochelle. Bruce Farr signed 8 of the 10 designs, and took the first seven positions, and the ninth, with the female crew led by Christine Guillou. Paul Cayard, famous sailor, won on EF Language ahead of an impressive number of racing figures, such as Dennis Conner, Chris Dickson, Laurie Smith, Grant Dalton, Ross Field or John Kostecki. The Farr designs were all very similar, with shapes which were still quite round in comparison to previous Maxis.

- EF Language Perspective © F Chevalier



The next Whitbread, which was sponsored by Volvo in 1997-98, changed its name to the 2001-02 Volvo Ocean Race. 

The new rules defining the VO 60s allowed carbon rigs, which boosted these sailboats and profoundly changed their performance. Of the eight contenders for victory, six designs by Farr Design raced. The Nautor Challenge team had two boats built, one by Bruce Farr, Amer Sport Two, the other, Amer Sport One, by German Frers, Jr., "Mani Frers ».Skipper Grant Dalton reserved his choice until the last minute, leaving Farr's yacht to Lisa McDonald women's crew. Finally, the eighth was the Norwegian Djuice Dragons, designed by Laurie Davidson.

What is particularly striking when watching the three designs, is the narrowness of the boat waterline on the one hand, and on the other hand, the rather pronounced hollow of the hulls. The three designers created narrow hulls, with the ballast as far outboard as possible, with a small rounded bilge at the main beam.

According to Farr, a boat has to be a "sled" shaped to match the requirements of the rule. The hull seems to be carved with a sword: the bow is carved in a sloping plane following a straight line from the bow to the mast. 
 Illbruck Challenge lines © F Chevalier

Then follows a second vertical section over 50 cm and parallel on each edge. This one runs far aft. Lastly, the ultimate cut occurs on the sides, at 45° towards the bottom of the keel at the point where the warp is measured. It goes on without trickery until the transom. 
Djuice Dragons lines © F Chevalier

Laurie Davidson has focused on safety and designed a high reserve buoyancy in the bow, penalized by a high surface area. Djuice's wing keel seems significant compared to the others.


Mani Frers' drawing shows a greater stiffness, with less flared sides than those of her competitors, and a more raking bow. 
Mani Frers' Amers Sport One lines © F Chevalier

Her fin-keel, slightly forward of the mast, helps to sail close-hauled, but makes the racer more flighty when sailing downwind. Her sail plan is very far back, with a mast close to the middle.

Farr's yachts won the first two places, Illbruck Challenge ahead of Assa Abloy, Mani Frers' design was on the final step of the podium. Laurie Davidson's racer settled for sixth', winning the last leg.

Illbruck Challenge © F Chevalier

A new class of yacht was launched for the 2005-06 Volvo Ocean Race, the Volvo Open 70. Longer, relatively lighter, more canvassed, with canting keels and two optional rudders, they have inherited the progress of the America's Cup like the TP52 or the Open 60. 

Juan Kouyoumdjian was the great champion of the race, his ABN Amro One won 16 of the 22 legs and his ABN Amro Two, skippered by Sébastien Josse, finished fourth, establishing a new speed record over the 24 hours. Bruce Farr's four VO 70s, Pirates of Caribbean, sailed by Paul Cayard, Brasil, Ericsson and Movistar came in between, and the Australian boat designed by Don Jones, Brunel-Sunergy, finished last.

ABN Amor One's lines © F Chevalier

JK's designs take full advantage of the rule, wider and therefore stiffer, with an inverted and raking bow, a canted keel, rotating inside the hull, which increases the stiffness upwind, a streamlined hull on the aft half, a deep daggerboard, a protracted keel with a reduced section. More powerful and more planing, these hulls will make themselves felt and will influence the future hulls. 

Movistar's  lines © F Chevalier 

Bruce Farr searched for smoothness and balance, with a rudder in the centerline of the yacht. Movistar lost her keel, the crew was rescued by ABN Amro Two.

Brunel-Sunergy's lines  ©F Chevalier 

Meanwhile, poorly supported by a limited budget, Don Jones had developed a more conventional boat, rounder and wider, with full forward shapes, a single daggerboard forward of a very advanced mast, and a cockpit that was very far aft.

ABN Amro One Sail plan © F Chevalier



The tenth edition of this round-the-world race, the 2008-09 Volvo Ocean Race has become increasingly difficult for the public to follow. It started in Spain, passed through Cape Town, reached Singapore, then China in Qingdao, crossed the Pacific Ocean from North to South, reached Rio and Boston, Ireland, Gothenburg, Stockholm, and ended in St. Petersburg, Russia! We went a long way from the Whitbread in four legs.

Of the ten yachts, Juan Kouyoumdjian designed three, Bruce Farr two, Botin Carkeek one, Reichel/Pugh one, and Roy Humphreys the latest.

Ericsson 4, a JK'design, with Torben Grael at the helm, dominated the field, followed by Botin's Puma, sailed by Ken Read, with Farr's Telefonica Blue in third place. 

I did not have the possibility to finalize the drawings I had prepared for the 2008-2009 edition, as no magazine followed up on my proposal to publish the designs of the five design offices.


Ericsson 4 sail plan © F Chevalier

Among the three designers in the race for 2011-2012, Juan K imagines half of them, the French Groupama 4 helmed by Franck Cammas, the American Puma skippered by Ken Read, and the Spanish Telefonica, helmed by Iker Martinez. Farr Yacht Design drew one, Abu Dhabi; the Chinese Sanya was the former Telefonica Blue, a Farr design, skippered by the 2006 winner, Mike Sanderson. Finally, Marcelino Botin, remarkable for his TP52s, was the author of the Camper design for ETNZ.

Camper lines © F Chevalier

Perhaps most surprisingly for this "Box Rule", the designs of the three designers turned out totally different. Marcelino Botin created a real super TP52, narrow and stretched out to the extreme, with a very advanced center of gravity, a beam backed up three-quarters of her length and a low transom, huge daggerboards aft of the mast, itself centered on the middle of the sailing boat.

Abu Dhabi lines (Farr Yacht Design) © F Chevalier

Farr's design breaks with all trends. Considering that these racers plane from the slightest breeze, and stop abruptly in too steep waves, the hull needs to get up to speed as quickly as possible, and tilt close-hauled without pivoting too much on the bow, in order to increase the stiffness. The Result: a monumental bow, round and strong, grazing, vertical side walls, a maximum beam allowed halfway up the yacht, a wide and centered waterline, stretched but soft shapes, fine and elaborate daggerboards, practically vertical and close to the axis. The deck is curved towards the bow, without roof marking.

 Groupama 4 lines (by JK) ©F Chevalier

Juan K has evolved his earlier drawings, optimizing all the benefits already acquired in the last edition won by the Swede Ericsson. Very developed front shapes, clearly evident in the forward sections, under a bilge that goes all the way to the bow; flat bottoms starting from the bow, ensuring a planing start and spreading the axis of the boat when heeling to increase stiffness; back bottoms following the curve of the wave, favoring the continuation of the wake and lengthening the wave that determines the speed limit. All of these elements have proven their effectiveness over the other contenders.

Groupama 4 has won the Volvo trophy on the Botin Camper design, followed by the two new JK designs, Puma and Telefonica, with the two Farr's finishing dead last.
Groupama 4 Sail plan ©F Chevalier



Puma Sail plan ©F Chevalier


The six sections of the two V60s and the four V70s show the evolution of the yacht design from this Whitbread period. 

2 sections of VO 60 and 4 of VO 70, between 2001 and 2011 ©F Chevalier

 
Between the first, the Laurie Davidson and the 2001 Mani Frers, the waterline widens. From the first 2006 Don Jones V70 on the top right to the 2011 Botin, the bilge becomes more defined and the shapes more radical.