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lundi 20 juillet 2015

FOILS SAGA PREMIERE PARTIE



LA SAGA DES FOILS

Première Partie

Par François Chevalier & Jacques Taglang

L'America's Cup : un défi technologique depuis 1851 !
©ACEA/Gilles Martin-Raget



« Un jour, tous les bateaux voleront… » 
Éric Tabarly (1987)

1851, Naissance d’un défi technologique : 
La Coupe de l’America

En 1851, la goélette America est construite à New York par le meilleur chantier de bateaux-pilotes du port. Le président du New York Yacht Club et ses amis payeront son prix à condition qu’elle soit la plus rapide des yachts Américains et Anglais. America rencontre Maria, le sloop de président, un énorme dériveur extrême, conçu pour naviguer en eau protégée, alors intouchable. 2 à 1, le propriétaire ne règle que les deux tiers du coût. Mais America remplit pleinement son contrat autour de l’île de Wight, le 22 aout 1851 en remportant la Coupe qui porte son nom.

Dans la troisième course, Maria passe sous le vent de la goélette America.
Maria passe America sous le vent... Mai 1851 !
Collection Chevalier-Taglang
George Steers (1815-1856), concepteur d'America

Fils de charpentier de marine, George Steers s’est rapidement fait une réputation avec ses yachts et ses bateaux-pilotes, mais également avec ses clippers. Son œuvre la plus célèbre est la goélette America.
George Steers, America modeller
Collection Chevalier-Taglang
America (1851)

Longueur : 30,86 m
Longueur de la flottaison : 27,32 m
Bau : 6,96 m
Tirant d’eau : 3,34 m
Déplacement : 132 t
Surface de voilure : 525 m²
America, lines (1851)
© François Chevalier -
Extrait de l'ouvrage America's Cup Yacht Designs
by François Chevalier & Jacques Taglang
Maria (1845) Robert Livingstone Stevens' design

Longueur : 29,56 m
Longueur de la flottaison : 26,82 m
Bau : 8,08 m
Tirant d’eau : 1,57/4,35 m
Déplacement : 137 t
Surface de voilure : 600 m²
Maria, lines (1845)
© François Chevalier -
Extrait de l'ouvrage America's Cup Yacht Designs
by François Chevalier & Jacques Taglang


Les Précurseurs

Thomas William Moy (1828-1910)

En 1861, l’Anglais Thomas William Moy fixe deux ailes sous la quille d’un bateau qu’il fait tirer par un attelage de chevaux sur le canal du Surrey au sud de Londres. À peine le canot a pris de la vitesse que la coque s’élève hors de l’eau. Le déjaugeage dynamique est né. Sans l’avoir cherché, Thomas William Moy vient de découvrir le concept de l’hydrofoil.
© François Chevalier

Emmanuel Denis Farcot

Emmanuel Denis Farcot, ingénieur mécanicien parisien, dépose un brevet le 3 décembre 1869 d’une embarcation dotée de multiples plans porteurs latéraux, mobiles. À l’arrêt ils restent horizontaux, mais s’inclinent lorsque le bateau prend de la vitesse. La coque s’élève et tend à déjauger, réduisant sa résistance et sa traînée. Ses essais sur un canot confirment sa théorie.
© François Chevalier 

M. de Sanderval

M. de Sanderval, en 1876, expérimente un moyen d’élever un navire au-dessus de l’eau afin de lui donner une vitesse dont « rêve notre imagination ». Quatre hélices horizontales sont actionnées par un homme, hissant l’engin en le dégageant des contraintes d’Archimède. Il réussit à soulever son embarcation suffisamment pour valider son idée.
Collection Chevalier-Taglang


Les premiers bateaux à foils


Charles de Lambert (1865-1944)

Charles de Lambert, vers 1885, expérimente un engin sur foils de sa conception pour se libérer de la pesanteur. Il assemble quatre tonneaux munis de plaques fixées en dessous et inclinées. Il fait tirer l’ensemble par un cheval sur la berge. Le radeau en forme de catamaran s’élève au-dessus de l’eau. Il développera cette idée plus tard sur ses hydroglisseurs.

Ingénieur passionné par la conquête de l’air, premier élève des frères Wright, il se consacre aux hydroglisseurs, et dès 1907, participe aux compétitions de Monaco.

Collection Chevalier-Taglang
En 1897, sur la Tamise, Charles de Lambert — son premier brevet date de 1891 — fait naviguer un catamaran sur quatre plans porteurs transversaux d’une surface totale de 5,10 mètres carrés, muni d’une machine à vapeur qui provient de l’avion d’Horatio Phillips, co-concepteur de l’engin. L’hélice tourne à 800 t/min. Mais il rencontre des difficultés avec son propulseur et reprendra ses expérimentations plus tard, avec un moteur à explosion.
© François Chevalier 

Hydroglisseur du comte de Lambert à Triel-sur-Seine en 1913, 
moteur Gnome de 200 cv, vitesse 93 km/h.

Collection Chevalier-Taglang

Le premier au-dessus de l’eau


Enrico Forlanini (1848-1930)


Issu d’une famille de médecins, Enrico Forlanini a été plongé très tôt dans un climat où science et technologie sont de toutes les conversations. Au cours de ses études à l’École Polytechnique de Milan, il se passionne pour les expériences tendant à faire voler tout ce qui est plus lourd que l’air. Il entame une carrière d’ingénieur avant de fonder son entreprise.

Collection Chevalier-Taglang
Au printemps 1898, Forlanini fait évoluer un ponton sur deux coques munies de quatre foils à échelle, dont les échelons plats sont de taille décroissante à mesure qu’ils s’enfoncent dans l’eau, et qui sont fixées aux extrémités du catamaran, tracté par un canot rapide. Avec une personne à bord, l’engin s’élève au-dessus de la surface du lac Majeur.

Forlanini est bien le premier à avoir fait prendre son envol à une embarcation à foils.

Collection Chevalier-Taglang
Le 11 avril 1904, il dépose le brevet d’un canot à moteur, muni de foils. Ce sont eux qui doivent « permettre aux bateaux et machines volantes d’échapper au contact de la surface de l’eau lorsqu’ils sont propulsés, ce qui a pour résultat d’offrir beaucoup moins de résistance et pour effet d’atteindre des vitesses bien plus élevées. » 



Idroplano sur le lac Majeur en 1906
Collection Chevalier-Taglang

Lors des premiers essais, Forlanini utilise un moteur à combustion de 70 cv. Il parvient à faire voler son bateau à la vitesse de 27 nœuds (50 km/h). Les hélices à 5 pales sont contrarotatives. Le déplacement s’élève à 1,62 tonne. Foils à échelle sur l’avant.


Il est probable que cet Idroplano soit le premier mû par le moteur à combustion interne.

Collection Chevalier-Taglang
L’engin de Forlanini au repos. Remarquez les bras à l’avant qui supportent les échelles à foils, ainsi que l’arbre de transmission qui actionne les deux hélices à cinq pales.

Collection Touring Club Italiano

Gaetano Arturo Crocco (1877-1968)



Le chercheur napolitain Gaetano Arturo Crocco est mathématicien, physicien et lieutenant du Génie. Pionnier de l’aviation il est aussi connu pour ses travaux sur les techniques de vol spatial.

Collection Altervista
Gaetano Crocco met au point, en 1907, avec Ottavio Ricaldoni, un bateau expérimental de 8 mètres de long, la Barchino Idroscivolante, équipé de deux foils en acier, en forme de dièdre. L’ensemble est propulsé par un moteur français Clément-Bayard de 80 CV qui actionne deux hélices aériennes contrarotatives bipales, à pas variable.

Museo Storico Aeronautica Militare Aeroporto Vigna di Valle
Au cours de ses essais, Barchino Idroscivolante dépasse les 37,8 nœuds, soit 70 km/h.

Alberto Santos-Dumont (1873-1932)

Fils d’un planteur de café au Brésil, Alberto Santos-Dumont a fait ses études à l’École des Mines de Sao Paulo, et vient vivre en France en 1891. Passionné de ballon et d’aviation, dont il est un pionnier, il se lance dans la construction des Demoiselles, petits monoplans motorisés.

Collection Chevalier-Taglang
En 1907, Alberto tente de remporter un pari de 50 000 francs : atteindre les 100 km/h. Il fait construire un trimaran à flotteurs gonflables, muni d’un foil de 4 mètres de long à l’avant et un de 1,50 mètre à l’arrière.

À l’avant, un châssis reçoit un V8 Antoinette de 50 CV destiné à actionner une hélice tripale, remplacé plus tard par un V16 Antoinette de 120 CV.

Collection Chevalier-Taglang
On distingue clairement les plans porteurs avant et arrière.

Collection Chevalier-Taglang
Au cours d’un essai en septembre 1907, l’engin coule et Santos-Dumont manque de se noyer. Toutefois, l’appareil est remis en état pour une séance photo. Santos-Dumont ne parviendra pas à atteindre son défi.

Même si son expérience n’est pas vraiment concluante, Santos-Dumont, par sa popularité et les retombées de ses actions, participe à la reconnaissance des recherches sur les foils.

Alessandro Guidoni (1880-1928)

Ministero della Difesa, Archives    

Le capitaine Alessandro Guidoni dote un Farman de deux flotteurs sous lesquels il installe des foils, par paire d’abord. Ils sont en bois, puis en aluminium, et enfin en acier. Le 5 novembre 1911, il accomplit le premier vol d’hydravion en Italie, équipé de ses foils.


Collection Christian Pateras-Pescara de Casteluccio    
On voit nettement les foils sous les flotteurs. Le capitaine s’entraine à larguer une fausse torpille.

Par la suite, et jusqu’à sa mort en 1928, survenue lors d’un essai d’un nouveau parachute de sa conception, il équipera les patins d’hydravion de petits foils.

Frank Sowter Barnwell (1880-1938)

Architecte naval de formation, Frank Barnwell a conçu les premiers avions en Écosse, il a ensuite travaillé à la Bristol Aeroplane Company.

Their Flying Machines, C. Barnes
Henri Coanda, Frank Barnwell et Charles Burney posent devant le Bristol-Burney X.2 en 1912.
Le monoplan X.2 avait une coque en acajou et des ailes étanches à gauchissement pour le contrôle latéral. Le but des foils est de réduire la résistance que représentent le poids et la trainée des flotteurs.

Aux premiers essais du 9 mai 1912, certains foils ont été arrachés.

Their Flying Machines, C. Barnes
Hélice aérienne arrêtée, tracté par un câble, le Bristol-Burney X.2 en hydroplanage s’avère très instable.

En mars 1913, un deuxième bateau volant le Bristol-Burney X.3 est mis en chantier. Les hélices marines contrarotatives montées dos à dos, entraînées par un arbre unique, descendent dans un tube vertical situé entre les foils. Le moteur est un Canton-Unne de 200 ch.

Their Flying Machines, C. Barnes
On distingue nettement les échelles et, au milieu, les hélices marines qui tournent dans l’air.
Les essais sont stoppés en 1914.





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