Une aile d’avion sur un Class C (2)
Depuis que la
Coupe de l’America en est réduite à courir avec des One Designs de 48 pieds
(14,65 m), la Little Cup est un des derniers bastions de la création
architecturale. Son secret réside dans le règlement qui, dès le début en 1961,
prenait en compte la surface des espars dans la surface de voilure. Cette
précision de la jauge lui a rapidement, peut-on dire, donné des "ailes".
Petit rappel de la Jauge des Catamarans de la Class C :
Longueur hors
tout (LOA) : 25 feet (7,62 mètres)
Largeur (Beam) :
14 feet (4,27 mètres)
Surface de
voilure (espars compris) (Sail area, spars included) : 300 square feet (27,87 mètres carrés)
À la mise à
l’eau de son Class C Beverly, William
Van Alan Clark Jr. étonne tout un chacun par l’originalité et la nouveauté de
ses choix. Alors que les catamarans de l’époque comportent des bras de liaison
en bois, avec un cockpit en contreplaqué, les deux coques, plus fines que
celles de ses concurrents, sont reliées par trois tubes d’aluminium surélevés, fixés
sur des platines sur les coques, un peu à la manière des premiers Hobie Cat. Un
trampoline est tendu entre les deux bras arrière.
Beverly (1962), premier Class C de William Van Alan Clark, Jr., remportera le North American Catamaran Championship, en août 1962 ©François Chevalier |
Conçu par Bob Harris, et
construit en polyester au chantier Cape Cod Shipbuilding à Wareham, non loin du
Beverly Yacht Club dans le Massachusetts, le cata porte le nom de son club, et
arbore des coques rouges, comme tous les voiliers de Van Alan. L’endroit, au
fond de la Buzzards Bay, vaut le détour, et l’ile Rann, la demeure de William,
en face de Marion, est un petit bijou autour duquel les régates locales ne cessent
de tourner, excepté l’hiver. Du 19 au 20 août 1962, c’est ici que se déroule le
North American Catamaran Championship pour la sélection du challenger de la
Little Cup.
Beverly en
chantier et Van Alan Clark, les mains dans les poches, donne l’échelle de ces
Class C.
Photo collection
Steve H. Clark
|
Beverly s’impose devant quatre
autres Class C américains et le précédent vainqueur de la Petite Coupe de
l’America, que les Britanniques avaient vendu avant de rentrer chez eux l’année
précédente. Cependant, les
choses ne se passent pas aussi facilement lors de la Coupe dans l’estuaire de
la Tamise, et Beverly est battu 4 à 1
par Hellcat et le trophée reste en
Angleterre.
Origines des ailes
Deux ans plus
tard, l’architecte américain George Peterson conçoit un mât aile sur son Class
C Sprinter, mais n’arrive pas à
s’imposer devant la réalisation des frères Dave et Jerry Hubbard, Sealion gréé sans foc. Beverly a reçu un gréement également en "Una Rig" et est équipé de dérives orientables et de safrans relevables dans
les coques. Les efforts dans les voiles et sur les gréements sont tels que les
pièces d’accastillage cèdent souvent, et William Van Alan Clark se demande
alors si la solution d’une aile auto-portante résoudrait les problèmes de
déformation des voiles dans les hauts et réduirait les efforts sur les bras. Il
reste le problème du poids, une aile pèserait au moins deux fois plus lourd qu’un
gréement classique, mais il aurait une puissance aussi incomparable, dans les
meilleures conditions.
Le premier projet Whole Hog doté d'une aile (1965) ©François Chevalier |
Dès 1965,
William demande à son ami Courtland B. Converse, ingénieur aéronautique et
président de la Pee-Kay Aircraft, spécialisée dans les flotteurs d’hydravions,
âgé alors de 33 ans, de lui concevoir une aile pour son catamaran. Le projet
reçoit le nom de Whole Hog, mais sa
réalisation est repoussée, car le devis de poids n’est pas très engageant. L’année
suivante, la plupart des Class C arborent un mât aile qui représente 20 à 30 %
de la surface de voilure, mais Van Alan reste persuadé que son idée d’aile
résoudrait pas mal de problèmes liés à ces mâts ailes qui déversent dans les
hauts.
Seconde version de Whole Hog, doté d'une aile plus aérodynamique (1968) ©François Chevalier |
Finalement, dans
l’hiver 1967, Court Converse, alors Président du Beverly Yacht Club, lui
dessine une aile pour son Beverly II
dont les coques ont été conçues par les frères Hubbard. Plus élancée que celle
du projet, elle comporte trois volets arrière de haut en bas. Son profil est
plutôt épais, et le volet est comme coupé dans le profil, contrairement aux
ailes plus récentes, qui présentent deux profils distincts, un pour la partie
fixe et un autre, plus fin, pour les volets.
Le voilier, qui
n’a pas reçu de nom, navigue au printemps 1968, sort trois ou quatre fois
avant de se briser dans un coup de vent. Avant qu’il soit réparé, le 23
novembre, Court Converse meurt dans un accident à bord d’un autogire ouvert, à
cent mètres de la maison familiale, à Converse Point. Van Alan Clark, même s’il
restera toujours un fidèle supporter de la Class C, ne se remettra jamais de la
perte de son ami ; il délaisse l’aile qui reste dans un hangar. Sa famille
fera détruire l’aile en 1984, après le décès de W. de Van Alan Clark survenu le
16 juillet de l’année précédente.
Il faudra
attendre 1974 pour qu’une aile participe à la finale de la Little Cup, mais
auparavant, aux USA comme en Australie, des essais sont entrepris, mais cela
est une autre histoire que nous vous conterons bientôt…
Deux hommes passionnés
Héritier de l’entreprise de cosmétiques Avon, William Van Alan Clark Jr., spécialiste en technologie de pointe, a fondé nombre de sociétés dérivées. Membre éminent du Beverly Yacht Club, il a participé grandement au développement de la Class C aux Etats-Unis. Dès 1965, avec son ami Courtland B. Converse, il a créé la première aile sur un Class C, avec le projet Whole Hog, adaptée quelques années plus tard sur la coque de Beverly II. Mais le décès brutal de Court a démotivé Van Alan de la Class C, même si il a toujours participé en tant que sponsor. C’est son second fils, Steve, qui reprendra le flambeau.
Le North American Catamaran Championship se déroule du 19 au 20
août dans le fief de Van Alan Clark, non loin de son île, Ram Island, en face
de Marion, au fond de la Buzzards Bay. Avec le vent dont la baie porte le
nom, ceux qui ne sont pas encore au point se trouvent rapidement en difficulté. Texas Hellcat,
conçu et construit par son propriétaire et skipper Peter Oetking, est le seul
au maximum de la jauge, mais manque de préparation, il abandonne dès le premier
jour. Sprinter,
dessiné et réalisé par George Patterson, est monté par Bob Smith et Dave
Hubbard, il est tout nouveau et a les dimensions du Hellcat II.
Enfin, les deux Tremolino, numéro II et III, au syndicat Le
Boutillier-Cornwell sont dus au crayon de Harold Boericke et du Lieutenant
Colonel C. E. Cornwell. Les fils des propriétaires, Ed et Boot, sont sur le II
et Walt Hall et Tommy Jackson sont sur le III. Beverly,
qui joue dans sa cour, remporte les trois quarts des régates en flotte et en
match racing, et gagne le Trophée. Dans la foulée, les sélections américaines
ont lieu entre les trois premiers,Beverly, Sprinter et Tremolino II. Le Comité retient finalement le voiler
de Van Alan, qui a dominé la compétition comme challenger.
Plans de l'aile imaginée par le président du Beverly Yacht Club de Marion, Court Converse. Photo collection Steve H. Clark |
François Chevalier
SPECIFICATIONS DE BERVERLY (1962)
ICCT 1962
Classe C, numéro
de voile : US 7
USA
Yacht-club :
Beverly Yacht Club, Mass., USA
Lieu des
régates : Thorpe Bay Yacht Club, Essex, UK
Propriétaire :
W. Van Alan Clark Jr., Ram Island, Marion, Mass., USA
Architectes :
Frank MacLear and Robert B. (Bob) Harris
Voilerie :
Hard
Constructeur :
Cape Cod Shipbuilding, Wareham, Mass.
Gréement :
Sloop
Lancement :
1962
Longueur :
7,62 m
Bau : 3,81 m
Surface de
voilure : 27,87 m2
Barreur :
William G. (Billy) Saltonstall Jr.
Equipier : W.
Van Alan Clark Jr.
Matériaux de
coque : stratifié polyester
Bras : 3
profiles de mât en aluminium
Pont :
Trampoline en Dacron
Mât et bôme :
Aluminium
Safran :
Aluminium et mousse polyuréthane
© François
Chevalier
NOTE IMPORTANTE...
Vous pourrez
suivre la suite de cette étonnante et passionnante aventure de la Little Cup
dans l’ouvrage à paraître en mai aux éditions de La Martinière.
François
Chevalier, format à l’italienne, 28 cm, 224 pages, 100 plans, les cartes,
portraits et histoire. Une édition en français et une en anglais.
La prochaine
Little Cup aura lieu à Genève à la Nautique, en septembre 2015.